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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/198

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HISTOIRE

Des réserves d’infanterie et de cavalerie occupaient les Champs-Élysées ; un détachement de la dixième légion barrait te passage du pont de la Concorde. Des pourparlers s’engagèrent entre ce détachement, choisi parmi les plus zélés conservateurs, et la députation. Pendant ce temps, le bruit se répandait dans la Chambre que les légions réformistes étaient en marche et qu’elles allaient envahir le palais Bourbon ; ce fut une panique générale. On se hâta d’envoyer MM. Crémieux, Beaumont (de la Somme), et Marie au-devant des gardes nationaux. Après avoir pris connaissance de la pétition, ces messieurs félicitèrent la députation de sa démarche patriotique et lui annoncèrent, en termes emphatiques et vagues, que le ministère était frappé de mort, que la garde nationale avait prononcé son arrêt, que le vœu du peuple allait être exaucé. Des bravos prolongés éclatèrent à cette nouvelle. Les députés profitèrent de cet accueil favorable pour exhorter la garde nationale à empêcher les collisions et à rétablir l’ordre. La députation n’eut garde d’en demander davantage, elle se dispersa aussitôt pour aller porter sur tous les points où l’on combattait encore ces paroles de paix. Chacun se réjouit et se félicita. Désormais, pensait-on, la lutte était sans motif, l’émeute sans prétexte ; tout devait rentrer dans l’ordre et la légalité.

Un peu moins aveugle que la Chambre des pairs, qui repoussait par des clameurs violentes la demande d’interpellation de M. d’Âlton-Shée, rappelait à l’ordre M. de Boissy[1] et reprenait la discussion à l’ordre du jour sur le projet de loi relatif au régime hypothécaire, la Chambre des députés semblait vouloir prendre quelque initiative. Voici ce qui s’y passait.

  1. La proposition qui motiva ce rappel à l’ordre commençait ainsi « Attendu que hier le sang a coulé sur divers points de la capitale ; attendu qu’aujourd’hui encore la population parisienne est menacée de mort et d’incendie, de mort par 60 bouches à feu approvisionnées. moitié à coups à mitraille, moitié à coups à boulets ; qu’elle est menacée de dévastation et d’incendie par 40 pétards, le tout transporté d’urgence et en hâte de Vincennes à l’École militaire… »