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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/24

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INTRODUCTION.

que, du Consulat et de l’Empire, les bras avaient manqué au travail plutôt que le travail aux bras. Rien n’avait provoqué l’antagonisme du maître et de l’ouvrier, qui trouvaient dans des gains suffisants l’équité naturelle des rapports. Mais à la paix continentale les choses changèrent d’aspect. Avec la sécurité publique et l’accroissement de la population, la vie industrielle prit un essor rapide. De vastes ateliers, des usines immenses s’ouvrirent où, à l’aide de procédés nouveaux et de machines merveilleuses, on multiplia les produits avec une célérité, une économie, une perfection inconnues jusque-là. La prompte fortune des fabricants étonna, éblouit ; elle éveilla une émulation désordonnée. Le salaire des ouvriers, porté à un taux énorme par cette émulation des fabricants, attira dans les grands centres manufacturiers une population enlevée aux campagnes et poussa de plus en plus vers la production excessive. La consommation bientôt ne répondit plus à une telle multiplication des produits ; la disproportion entre l’offre et la demande devint sensible ; l’encombrement se fit ; l’équilibre fut rompu. La concurrence étrangère et la concurrence intérieure entre les entrepreneurs, les chefs d’ateliers et les ouvriers amenèrent le chômage en même temps qu’elles nécessitaient la baisse des salaires. Une lutte acharnée s’engagea, et cette lutte eut pour effet une misère d’une espèce nouvelle qui, en frappant une classe très-active, très-intelligente et très-énergique de la population, la poussait convulsivement de la souffrance à la révolte, de la révolte à une souffrance plus grande, et la faisait ainsi descendre jusqu’à la plus irrémédiable détresse.