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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

naçaient Paris. Bugeaud a soumis l’Algérie à la France. Allez, croyez-moi, respectez Bugeaud et tous les braves de l’armée, vous aurez besoin d’eux avant qu’il soit longtemps ! » Et les insurgés, gagnés par cette parole franche et vraiment populaire, entourèrent le maréchal en criant « Vive Bugeaud ! » Puis ils l’escortèrent comme en triomphe jusqu’au seuil de sa demeure.

Les troupes qui, sous les ordres du général Rulhières, avaient occupé tous les abords du jardin et protégé ainsi le cortège de la duchesse d’Orléans, s’étaient repliées et massées sur la place de la Concorde où, sur l’ordre exprès du duc de Nemours, elles devaient attendre que la régente sortit de la Chambre, pour l’escorter jusqu’à Saint-Cloud. Le général Bedeau tenait toujours la fête du Pont-Royal. Ces deux généraux disposaient encore de forces suffisantes pour couvrir le palais Bourbon et le défendre, de ce côté, contre l’invasion du peuple.

Revenons aux insurgés que nous avons laissés entrant dans la cour du Château. Leur surprise fut extrême de voir que la troupe ne faisait aucun préparatif de défense. Ils ignoraient encore la fuite du roi ; c’est à peine s’ils ajoutaient foi à son abdication. Ils s’attendaient à trouver aux Tuileries une résistance formidable.

La première colonne d’insurgés qui pénétra dans la cour, était commandée par un officier de chasseurs de la 10e légion, homme de résolution et de dévouement, le capitaine Dunoyer.

Il est intéressant de suivre la marche de cette colonne, depuis le moment où elle s’était séparée des défenseurs de la dynastie. C’était vers neuf heures du matin ; on venait d’apprendre à la mairie du 10e arrondissement, où la 3e compagnie du 4e bataillon, sous les ordres du capitaine Dunoyer, s’était rendue pour demander des cartouches[1],

  1. La garde nationale manquait partout de cartouches, ce qui est suffisamment expliqué par le peu de confiance qu’avait le gouvernement dans ses dépositions.