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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

par des troupes en bon ordre, les fortes détonations que l’on entend incessamment dans la direction du Palais-Royal, ont ralenti l’ardeur des combattants. On juge qu’il y aurait folie à s’aventurer sur la rive droite et à braver, en si petit nombre, les forces considérables qui défendent les Tuileries. Six ou huit élèves de l’École polytechnique viennent annoncer à Dunoyer qu’ils ont promis à leurs chefs de ne pas sortir de la limite de l’arrondissement et de n’agir que par voie de conciliation ; sans écouter aucune objection, ils se retirent. Aussitôt, la plupart des gardes nationaux et des volontaires les imitent. La colonne, tout à l’heure de quinze cents hommes, est réduite à cent cinquante, parmi lesquels on ne compte plus que soixante gardes nationaux et quatre élèves de l’école polytechnique, tes jeunes Prats, Vial, Lebelin et Cahous, qui, tout en s’exposant au danger de l’audacieuse tentative que l’on projette, déclarent qu’ils resteront fidèles au serment fait à leurs chefs de ne pas tirer l’épée hors du fourreau.

Dunoyer est un instant ébranlé par cette défection ; sa responsabilité devient immense. Il s’agit de tenter un coup décisif, et il ne peut se dissimuler que les choses ne prennent pas une tournure favorable. Mais l’enthousiasme de sa petite troupe le ranime « En avant ! en avant ! » s’écrie-t-on autour de lui. Les tambours battent la charge, on s’avance intrépidement sur le pont, au risque d’être mitraillé.

Les quais du Louvre et des Tuileries sont occupés militairement. Le 7e régiment de cuirassiers arrivant du pont Neuf est à la gauche du pont ; le 37e de ligne, sous les armes, est à la droite. On ignore les dispositions de la troupe ; mais, sans qu’il y ait rien de provocant dans son attitude, elle semble prête à accepter le combat.

La colonne insurgée fait halte, à peu de distance des premiers pelotons. Dunoyer, s’approchant des officiers, leur annonce que les trois légions de la rive gauche, suivies du peuple en armes, marchent sur le Palais-Royal pour arrêter