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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

taillé qui nous a été rendu par nos collègues, il est évident que la Chambre des députés n’était plus en séance quand ils y sont arrivés. Notre message n’ayant pu, par conséquent, avoir aucun résultat, j’ai l’honneur de proposer à la Chambre de lever la séance. Elle sera informée quand une nouvelle réunion pourra avoir lieu. »

Ainsi finit, ainsi devait finir cette assemblée sans caractère, sans tradition, sans puissance, cette représentation factice d’une aristocratie plus factice encore.

Ni le roi ni les ministres n’avaient pensé à la Chambre des pairs, au moment du danger ; on ne daignait pas la prévenir des événements accomplis. Il ne vint à l’idée de personne de lui demander une inspiration politique, un appui légal, un effort quelconque de courage ou de patriotisme. Ni la monarchie dans ses dernières convulsions, ni la République dans ses premières luttes, ne songèrent à cette assemblée inerte ; personne ne prit la peine de la congédier ; elle s’effaça, elle s’évanouit dans le néant où elle avait végété ; on ne put pas même dire : Elle a vécu[1].

Le spectacle que présentait à la même heure le palais Bourbon, quoique bien différent, n’était guère moins pitoyable. Depuis midi, une foule de députés, de journalistes, de personnes étrangères à la Chambre, accouraient de toutes les parties de la ville, effarés, en proie à des frayeurs dont le désordre paraissait dans la tenue, dans les propos, sur les physionomies. Nul ne cherchait à déguiser sa préoccupation personnelle dans la panique générale.

Jamais peut-être, à aucun moment de nos crises révolutionnaires, une pareille hésitation, une perplexité si manifeste, n’avaient trahi, dans les esprits et dans les consciences, une déroute plus complète. On vit, alors, avec surprise, avec

  1. Les pairs eux-mêmes avaient le sentiment de leur nullité : « Messieurs, la Chambre des députés vient d’être envahie, s’écrie M. Beugnot, en entrant vers dix heures dans la salle du Luxembourg ; nous allons l’être incessamment. Mon cher collègue, vous vous flattez. » lui répond, en souriant, M. de Saint-Priest.