Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Les gardes municipaux passent un à un sous la croix ; la colère du peuple s’est évanouie ; elle a fait place à la compassion ; c’est à qui, parmi ces combattants républicains, aidera, protégera, recueillera dans sa demeure les soldats de la monarchie.

M. de Rambuteau avait quitté son poste quelques instants avant l’irruption du peuple. Comme M. Flottard lui proposait de convoquer d’urgence le conseil municipal, un homme en uniforme de garde national entrait, et, demandant M. de Rambuteau, il lui déclarait qu’il venait au nom du peuple le destituer de ses fonctions et prendre sa place. Il ajoutait à cette sommation la demande étrange que M. de Rambuteau le fit reconnaître par les fonctionnaires présents et par le conseil municipal qui allait se rassembler. M. de Rambuteau déclina sa compétence, mais il ne contesta point les pouvoirs de son successeur et lui céda la place. Le nouveau préfet était un lieutenant de la huitième légion, fabricant de vignettes pour les confiseurs ; il se nommait M. Jourdan. MM. Say, Journet, Thierry et Flottard, fonctionnaires de l’Hôtel de Ville, décidèrent entre eux de convoquer le conseil municipal. Ils se rendirent dans la salle des délibérations, qui était déjà envahie par la foule. Une douzaine d’élèves de l’École polytechnique, qui se trouvaient là, rédigèrent à la hâte et portèrent aussitôt les lettres de convocation. Malgré les prétentions de M. Jourdan, qui voulait absolument présider, et qui occupait déjà le fauteuil, le docteur Thierry y fut installé par les gardes nationaux et les élèves de l’École polytechnique, qui se groupèrent autour de lui pour le protéger. M. Jourdan jugea prudent de se retirer. MM. Recurt et Flottard prirent place auprès du docteur Thierry, et après s’être un instant concertés, ces messieurs déclarèrent la séance ouverte. Un certain calme s’établit aussitôt dans l’auditoire et l’on put commencer à délibérer. Plusieurs propositions furent faites coup sur coup. M. Delestre ayant proposé de se constituer en comité de sûreté générale, on