Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ment de ce peuple généreux les couvre aussitôt. L’orateur terroriste est déconcerté ; il essaye en balbutiant d’expliquer et d’atténuer sa motion : des huées et des sifflets le forcent au silence.

M. Flottard propose aux assistants d’élire à la place du conseil déchu un pouvoir municipal populaire et de rétablir la mairie de Paris. Cette proposition est bien accueillie. On procède avec régularité à l’élection. Le peuple accepte, en levant la main, par épreuve et contre-épreuve, la nomination de M. Garnier-Pagès à la mairie de Paris. M. Garnier-Pagès, après avoir remercié ses concitoyens et demandé le respect pour l’autorité qui vient de lui être remise, propose à son tour d’élire, comme adjoints à la mairie, MM. de Malleville et de Beaumont ; mais ce dernier décline, en son nom et au nom de son collègue, l’honneur qu’on veut leur faire, ne se sentant pas, dit-il, en possession d’une assez grande popularité pour apporter au pouvoir municipal la force nécessaire. Sur la proposition de M. Flottard, MM. Guinard et Recurt sont élus ; les députés dynastiques, comprenant qu’ils n’ont plus rien à faire dans ce mouvement, profitent du tumulte et s’esquivent.

Le maire de Paris et ses adjoints quittent presque aussitôt la salle, et, guidés par M. Flottard, ils vont se réfugier dans une pièce retirée où le peuple n’a point pénétré encore. Pendant qu’ils sortent d’un côté, M. Charles Lagrange entre de l’autre. Il se nomme au peuple ; il lui annonce l’arrivée d’un comité provisoire élu dans les bureaux de la Réforme. Il demande qu’on évacue la salle, afin que le nouveau gouvernement puisse plus librement délibérer. Comme il parlait encore, on aperçoit sur le seuil, dominant la foule de sa haute taille, le visage fortement coloré, le front en sueur, M. Ledru-Rollin. Un retentissant vivat ! salue son entrée. On lui fait place, on le conduit au bureau, on l’invite à prendre la parole. Il commence alors un récit animé des événements qui viennent de s’accomplir au palais Bourbon. De fréquents bravos l’interrompent ; mais, lors-