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HISTOIRE

Blanc renouvelle avec force ses instances ; il triomphe enfin des répugnances de ses collègues. Au paragraphe où il était dit : « Bien que le gouvernement provisoire soit de cœur et de conviction pour le gouvernement républicain,  » etc., revenant à la première rédaction de M. de Lamartine, on substitue ces mots : « Le gouvernement provisoire veut la République, sauf ratification par le peuple, qui sera immédiatement consulté[1]. » Et la proclamation, ainsi modifiée, est jetée sur des centaines de feuilles volantes par les fenêtres de l’Hôtel de Ville. Elle apaise les bouillonnements de la place. Aux soupçons et aux menaces succède une explosion de joie qui tient du délire. Le peuple reprend confiance dans ses élus. Le conseil peut enfin songer à organiser le pouvoir et à se partager le fardeau des affaires.

La présidence du conseil, sans portefeuille, est donnée, par acclamation, à M. Dupont (de l’Eure). Son grand âge, l’intégrité de son caractère et la simplicité républicaine de sa vie commandaient le respect. C’était un nom sans tache. On espérait qu’il imposerait au peuple, et même aux rivalités impatientes qui déjà se trahissaient au sein du gouvernement.

La nomination de M. de Lamartine au ministère des affaires étrangères se fit également par acclamation. Chacun comprenait qu’il fallait une extrême prudence dans les rapports avec l’étranger ; qu’il était habile de ménager la transition et d’accoutumer les représentants de l’Europe monarchique à la France républicaine, par l’entremise d’un homme noble d’origine, de manière et de langage. M. Arago prit la marine sans que personne soulevât d’objection. L’éclat de son nom démocratique et sa science incontestée lui donnaient une autorité précieuse pour un

  1. À peine cette proclamation était-elle imprimée que l’on vit arriver au Moniteur M. Bixio, porteur d’un ordre de la retirer ainsi conçu : « M. Bixio est prié de retirer de l’Imprimerie royale, la déclaration du gouvernement provisoire. Signé : Ad. Crémieux, Lamartine, Dupont (de l’Eure) et Garnier-Pagès. »
    L’autographe de cet ordre est entre les mains de M. Bixio.