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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Cependant les heures avaient marché, il n’était pas loin de minuit. Accablés de lassitude, exténués par dix heures de luttes et d’angoisses cruelles, les nouveaux dictateurs sentirent les tiraillements de la faim. Aucun d’eux n’avait pris quoi que ce soit depuis le matin. Ils suspendirent un moment leur travail pour essayer de réparer leurs forces mais tout manquait, même pour le repas le plus modeste. Il n’y avait là ni vaisselle ni vivres d’aucune sorte. Un pain de munition, quelques restes de fromage de Gruyère laissés par les soldats, une bouteille de vin et un seau d’eau apporté par un homme du peuple, ce fut tout ce que l’on put trouver, après bien des recherches, pour rassasier et désaltérer des hommes à jeun depuis près de douze heures. M. Flottard prêta un petit couteau de poche, qui passa de main en main. On but à la ronde dans une tasse ébréchée. « Voici un festin de bon augure pour un gouvernement à bon marché, » dit gaiement M. de Lamartine ; et, le repas terminé, on se remit à l’œuvre.