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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ordre presque insensible, le cours de ses prospérités. L’avenir n’est pas loin qui fera justice de ces frivoles assertions. L’histoire montrera avec évidence que jamais peut-être la surprise, l’accident, l’action personnelle d’un homme, n’eurent moins de part dans le renversement des choses établies. La révolution de 1848 ne s’est faite, il faut bien qu’on le sache, ni par conspiration, ni par connivence, ni par coup de main, ni par guet-apens. La force matérielle, et c’est là le caractère supérieur de cette révolution, n’y eut qu’un jeu très-secondaire. Il n’est pas un chef de parti qui se puisse vanter avec fondement qu’il l’ait conduite ou qu’il eût pu la vaincre.

Le peuple de Paris, en s’emparant de l’Hôtel de Ville et en y proclamant spontanément, malgré la plupart des chefs de la démocratie, le gouvernement républicain, n’a été que l’exécuteur d’un arrêt depuis longtemps suspendu sur le pays légal. La dynastie d’Orléans et la bourgeoisie, qui gouvernaient toutes choses avec une présomption dédaigneuse, et qui n’avaient su voir et sentir que la vie matérielle, que le mouvement en quelque sorte mécanique de la France, n’avaient demandé ni au sentiment religieux, ni à l’honneur national, ni à l’instinct populaire la force morale qui consacre et féconde le droit de souveraineté. La souveraineté leur était ôtée. Quoi de plus simple, de plus aisé à comprendre, de plus conforme à la logique du progrès social et aux lois éternelles de la civilisation.

Dans son rapport immédiat avec le règne de Louis-Philippe, la révolution de 1848 n’a pas d’autre cause ni d’autre explication. Dans son rapport, encore obscur, avec l’avenir, je la considère, on l’a vu, comme une transformation ascendante de la vie morale et matérielle du peuple.

Le gouvernement provisoire et l’Assemblée constituante ont eu en leur puissance tous les moyens imaginables de hâter cette transformation par l’organisation de l’éducation nationale et par l’administration de la richesse publique, réformées selon les principes de l’égalité démocratique.