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HISTOIRE

d’origine et de pratique révolutionnaires, dont le chef était dans l’exil et qui comptait sur le prestige d’un nom glorieux, avait tout à gagner, et n’avait rien à perdre à l’institution de la république démocratique.

L’armée, depuis la première révolution, obéissait instinctivement à ce principe qu’elle appartenait au pays ; que son devoir unique, c’était, quelle que fût la forme du gouvernement, de défendre le territoire.

Dans la succession rapide des pouvoirs politiques, la magistrature s’était pareillement désintéressée des questions de personnes. Ainsi, les classes, les partis, les corps constitués, tout ce qui tenait au sol par la propriété, à l’État par les fonctions, en était arrivé à une indifférence presque égale pour les formes de la vie politique. La grande majorité de la nation restait passive ; elle ne sentait plus en elle aucune force d’initiative, parce qu’elle n’avait plus aucune foi.

La foi politique s’était réfugiée au sein de la classe ouvrière ; là, elle était vive et profonde. Plus lettré que le paysan, moins matérialiste que le bourgeois, l’ouvrier des villes rattachait ses intérêts à des idées. La presse quotidienne l’avait initié, bien ou mal, aux débats parlementaires ; il avait retenu la notion du droit et les principes égalitaires de la Révolution française. Comprenant que les destinées de la royauté sont liées à celles du clergé et de la noblesse, et que jamais la cause du peuple ne serait prise à cœur que par le peuple, lui-même, il n’entendait plus commettre à d’autres le soin de ses affaires. Il voulait être citoyen. Par sa capacité, par son sentiment de justice et par son patriotisme, il avait depuis longtemps le droit de l’être. L’ouvrier des villes appelait de tous ses vœux la république.

Mais quelle république voulait cette minorité énergique, et jusqu’où s’étendait à cet égard son droit d’initiative ? En d’autres termes, quelle interprétation le gouvernement provisoire devait-il donner à la formule républicaine pour