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HISTOIRE

Dans les rangs plus serrés qui formaient comme le centre de l’armée républicaine, on comptait en grand nombre des avocats, des journalistes, hommes d’improvisation et de critique, que leur profession mettait chaque jour dans la nécessité de parler ou d’écrire sur les affaires publiques en leur étant le loisir de les étudier et même l’occasion de les bien connaître. Pris ensemble, ces écrivains, qui s’étaient pour la plupart groupés autour du National ou de la Réforme et suivaient la fortune de M. Marrast ou celle de M. Ledru-Rollin, avaient apporté dans la guerre offensive un concours efficace ; mais, isolément, leurs talents inexpérimentés et leurs personnalités rivales allaient être d’une médiocre assistance pour l’organisation du pouvoir. Enfin, dans les derniers rangs du parti, se pressaient une foule de gens de mœurs basses, de caractère équivoque, tour à tour ouvriers de complots ou limiers de police, qui s’efforçaient de tirer de leur abjection même la popularité d’une heure et de détourner, par le fracas de leurs emportements démagogiques, les soupçons et les répugnances que faisait naître leur existence suspecte. La plupart s’étaient glissés dans les sociétés secrètes et y avaient contracté des intimités dont il était difficile de ne tenir aucun compte. C’est le malheur des partis qui conspirent, quand ils arrivent au pouvoir, d’avoir à récompenser des hommes et des actes qu’il faut désavouer au grand jour de l’opinion publique. Ce fut l’entrave, ce fut la fatalité de M. Ledru-Rollin de ne pas trouver immédiatement sous sa main des hommes de caractère, d’esprit, de mœurs véritablement démocratiques. Mais ceux-là ne se rencontraient pas dans la portion remuante du parti républicain. Ils se tenaient à l’écart, ils agissaient sans bruit ; il aurait fallu une volonté active pour les chercher, du temps pour les attendre. Or les minutes étaient comptées et le zèle du ministre se laissait facilement distraire. Assailli par des républicains pleins d’exigences qui, ne voyant dans la République qu’un coup de fortune favorable à leurs intérêts privés, évaluaient les per-