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HISTOIRE

la solidarité des classes, favorisés par trente ans de régime constitutionnel, présentaient, d’ailleurs, un obstacle latent, mais presque insurmontable, au système de la violence politique.

Et quelle résistance, non-seulement des gouvernements, mais des peuples, n’eût pas soulevée partout une provocation de la France. À l’instant même l’Angleterre, disposée à la neutralité, nous devenait hostile ; l’esprit national se réveillait en Allemagne ; la démocratie allemande elle-même entonnait sa chanson du Rhin. Le Piémont et la Belgique, en admettant qu’ils se fussent prononcés pour nous, n’auraient été que des alliés défiants et tièdes. Bientôt, à l’intérieur, les mesures révolutionnaires, commandées par une aussi vaste entreprise, eussent ranimé les partis royalistes et conservateurs. Un déchirement profond nous livrait encore une fois peut-être à l’invasion étrangère. M. de Lamartine, qui avait, pendant toute sa carrière politique, combattu l’esprit napoléonien d’un parti peu intelligent, selon lui, des intérêts nouveaux de la France, fût entré, d’ailleurs, en contradiction avec tout son passé, s’il n’avait pas tenté d’établir la République sur les bases de la paix. Le langage de sa circulaire aux agents diplomatiques fut l’expression de sa pensée constante aussi bien que des tendances générales de l’opinion et des intérêts du pays.

« La Révolution française, y disait-il, vient d’entrer dans sa période définitive. La France est République ; la République française n’a pas besoin d’être reconnue pour exister elle est de droit naturel, elle est de droit national. Elle est la volonté d’un grand peuple qui ne demande son titre qu’à lui-même. Cependant la République française, désirant entrer dans la famille des gouvernements institués comme une puissance régulière et non comme un phénomène perturbateur de l’ordre européen, il est convenable que vous fassiez promptement connaître au gouvernement près duquel vous êtes accrédité les principes et les ten-