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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ral Cavaignac. La République ne convenait guère à son humeur. Elle venait, d’ailleurs, l’arrêter brusquement au moment où il touchait au but de ses ambitions. Aussi son dépit extrême se trahissait-il dans tous ses propos. Une partie de la population s’étant portée vers sa demeure pour lui demander de reconnaître la République et d’organiser une garde nationale, il s’y refusa ; et, de peur qu’on ne s’armât malgré lui, il fit secrètement enlever par la troupe les armes du dépôt de la milice. Quand le général Cavaignac arriva à Alger, le général Changarnier affecta de ne pas se rendre à sa rencontre.

Le nouveau gouverneur général, en prenant possession de son commandement, adressa aux soldats et à la population deux proclamations dans lesquelles, comme pour expliquer la faveur dont il se voyait l’objet, il rappelait la mémoire de son frère : « Soldats, disait-il dans la première, le gouvernement provisoire m’a appelé à votre tête. Je ne m’y trompe pas si la nation n’avait eu besoin que d’un homme dévoué, son gouvernement pouvait presque jeter au hasard parmi vous le bâton de commandement. Le gouvernement a voulu autre chose : il a voulu répondre à la pensée du pays tout entier. En me désignant, il a voulu honorer, au nom de la nation ; la mémoire d’un citoyen vertueux, d’un martyr de la liberté. » Dans la seconde, il s’exprimait ainsi : « La mémoire de mon noble frère est vivante parmi les grands citoyens qui m’ont choisi, En me désignant, ils ont voulu faire comprendre que la nation entend que le gouvernement de cette colonie soit établi sur des bases dignes de la République. »

On voit, par ces premières paroles du général Cavaignac à son entrée dans les fonctions de la vie publique, combien il est pénétré de ses souvenirs de famille. Nous retrouverons perpétuellement dans la suite cette préoccupation honnête, mais un peu étroite, de l’honneur de son nom attaché au mot de république elle absorbe sa pensée et lui imprime une sorte de fixité qui contraste avec l’indécision générale