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HISTOIRE

régiments de cavalerie et d artillerie par les sous-officiers furent promptement apaisées et punies avec rigueur. Les soldats revenaient d’eux-mêmes sous le drapeau ; la discipline s’y rétablissait d’un accord spontané. Il ne se passa qu’un fait grave ce fut la rébellion des invalides contre leur commandant, le général Petit. Voici quelle en fut l’occasion. Les invalides avaient reçu très-récemment un legs de six mille francs environ, et le conseil d’administration avait jugé convenable de leur en faire individuellement la distribution à raison d’un franc par mois. Une cupidité naturelle, excitée encore par l’oisiveté, par un usage plus fréquent de boisson en ces jours de désordre, les pousse à réclamer avec insolence la distribution intégrale et immédiate de ce petit capital. Comme on différait d’obtempérer à leur requête, ils s’emportent en plaintes, en accusations de toute nature. À les entendre, le général Petit, l’un des plus honorables militaires de la vieille armée, détourne à son profit la somme en question. Pour intéresser dans leur ignoble rébellion les ouvriers des ateliers nationaux occupés dans le voisinage aux terrassements du champ de Mars, ils prétendent que le général conspire contre la République et vont jusqu’à soutenir qu’ils l’ont vu traîner dans la boue le drapeau national. Un certain nombre d’ouvriers crédules à ces calomnies grossit l’émeute. Armés de pelles, de pioches, drapeau et tambour en tête, deux à trois mille hommes se portent sur l’Hôtel des Invalides en poussant des vociférations épouvantables. Le général Petit vient à leur rencontre. Mais ni son âge ni son attitude courageuse n’imposent à la brutalité de ces furieux. Le vieillard, saisi au collet, garrotté, jeté dans une voiture de place découverte qu’entoure en se répandant en injures la troupe mutinée, est traîné dans la direction de l’Hôtel de Ville, où l’on prétend aller demander justice au gouvernement provisoire. Quelques hommes bien intentionnés qui s’étaient joints à la foule, redoutant ce long trajet au bord de la rivière, s’écrient qu’il faut conduire le général à l’état-major de la