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HISTOIRE

Les banquiers, loin de pouvoir donner du crédit, en réclamaient tous, sous peine de faillite. Les caisses d’épargne ne recevaient plus de dépôts. Elles en avaient alors pour une somme d’environ 500 millions, mais de valeurs dépréciées et qui n’auraient pas produit, aliénées à la Bourse, plus de 150 millions. Les demandes de remboursement arrivaient, d’ailleurs, en foule. Il en était de même pour les bons du Trésor. Les capitalistes mettaient leurs fonds en réserve ou les envoyaient à l’étranger. Plus d’avances de la part des receveurs généraux, plus de dépôts à la caisse des consignations, plus de fonds provenant des communes. Les débiteurs de l’État demandaient des atermoiements, les chefs d’industrie des secours un mouvement général de rétraction s’opérait. La catastrophe prédite par MM. Thiers et Fould à la Chambre des députés, hâtée par la révolution de Février, semblait imminente.

M. Goudchaux, d’origine Israélite, chef d’une maison de banque favorablement connue sur la place de Paris, réputé personnellement pour sa probité scrupuleuse et sa régularité dans les affaires, avait été chargé par le gouvernement provisoire du portefeuille des finances. Ce choix paraissait à beaucoup de gens de bon augure. Le caractère de M. Goudchaux et la nature de ses opinions offraient des garanties d’ordre. Attaché à la rédaction du National, il s’était occupé sous le dernier règne des questions de finances dans leur rapport avec le prolétariat ; il s’était inquiété de l’hostilité qui s’accusait entre le travail et le capital, autant dans l’intérêt des classes riches que dans celui des classes pauvres. On le savait peu porté aux imiovations. Aussi les capitalistes témoignèrent-ils de la satisfaction en le voyant accepter le portefeuille. Ils fondaient sur sa sagesse bien connue dans les affaires privées l’espoir d’une influence antirévolutionnaire dans les conseils du gouvernement, oublieux de cette vérité, banale à force d’être vraie, que dans l’extrême péril, quand le temps est