Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
466
HISTOIRE

dans une équitable mesure ; cette instruction ne lui paraissant, pas encore suffisante, il fit rendre, le 5 avril, un nouveau décret qui enjoignait aux maires et aux employés de l’administration des finances de décharger de la contribution les pauvres et les malaisés[1]. Le 25 avril, une nouvelle circulaire impérative confirma ces instructions[2]. Selon les calculs du ministre, l’impôt perçu dans toute sa rigueur, aurait donné un produit de 190 millions. Il affectait 30 millions au soulagement des petits contribuables ; restaient donc 160 millions à percevoir. Quand le gouvernement provisoire remit ses pouvoirs à l’Assemblée nationale, 80 millions seulement étaient entrés dans les caisses de l’État.

Sous le rapport matériel, M. Garnier-Pagès ne s’était pas trompé ; là perception de l’impôt des 45 centimes se fit sans difficultés sérieuses[3], les fonds arrivèrent au bout de très-peu de temps ; tous les services purent être régulièrement payés : la banqueroute fut évitée. Mais, relativement à l’effet moral, l’erreur du ministre des finances fut bientôt sensible. Exploité par les partis royalistes auprès des

  1. Le bulletin de la République (n° 7), en date du 25 mars, prenait aussi à tâche d’atténuer le mauvais effet de l’impôt dans les campagnes. « La République, disait ce bulletin, attribué à madame Sand, commence par vous demander un sacrifice nouveau mais ce sera à la fois le premier et le dernier, si vous secondez le mouvement courageux et sincère que la République vous imprime. Ce sacrifice, la République le considère comme un emprunt que, sous toutes les formes, elle vous rendra peu à peu et que vous pouvez l’aider à vous rendre au centuple, en veillant plus que jamais au choix de vos députés républicains. »
  2. Le décret du 5 avril, dont l’application était confiée des agents subalternes, ne reçut qu’une exécution très-lente et très-incomplète.
  3. Les principales difficultés ne vinrent pas des petits contribuables, mais de quelques propriétaires orléanistes ou légitimistes qui contestèrent au gouvernement provisoire le droit de décréter l’impôt extraordinaire, espérant ainsi provoquer dans les campagnes un mouvement de révolte contre la République. Les départements du Midi, où les influences royalistes étaient prépondérantes, furent les plus en retard dans le payement de l’impôt des 45 centimes.