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HISTOIRE

senté dans ce sens au conseil qui l’approuva[1]. M. de Lamartine en pressait l’exécution ; M. Duclerc y insistait chaque jour. Mais les administrateurs des compagnies, se voyant menacés de perdre leurs fonctions, ou du moins d’en voir les bénéfices fort réduits, et quelques actionnaires qui, tout en désirant le rachat, jugeaient utile, afin d’obtenir des conditions meilleures, de crier à la spoliation et au communisme, firent traîner en longueur les délibérations. Pendant ce temps, les événements politiques se compliquèrent. Le moment venu où l’Assemblée allait se réunir, le gouvernement ne se sentit plus assez d’autorité morale pour effectuer une opération de cette importance[2].

Quant aux réformes demandées depuis longtemps par les hommes éminents de tous les partis, ou bien elles ne se présentèrent pas à la pensée du gouvernement provisoire, ou bien elles en furent écartées. Le ministre républicain qui croyait à la justice de l’impôt progressif et de l’expropriation pour cause d’utilité publique, sans toutefois mettre à exécution ni l’une ni l’autre de ces mesures, préféra recourir à des moyens opposés à l’esprit même des institutions démocratiques. Cette révolution, que l’on déclarait faite par le peuple et pour le peuple, on la fit peser directement sur les masses. Cette République qui se donnait offi-

  1. Les actions de chemins de fer formaient un capital d’environ un milliard. Il y avait trois catégories de compagnies exploitantes : 1o celles qui avaient terminé leurs travaux ; 2o les compagnies dont les travaux étaient en cours d’exécution ; 3o les compagnies associées à l’État et dont les travaux étaient également en cours d’exécution.
  2. Un projet relatif à l’établissement d’un vaste réseau de chemins de fer sur toute la France avait été soumis aux délibérations de la Chambre, en 1858, par le ministre du commerce, M. Martin (du Nord). Le parti démocratique appuya ce projet. La presse radicale le National, le Bon sens, le Journal du peuple, le Censeur de Lyon, traitèrent la question au point de vue politique, industriel et moral, avec beaucoup de talent. Le système de l’exécution par les compagnies fut soutenu par MM. Berryer et Puvergier de Hauranne. Le ministre se défendit mal. Le rapport de M. Arago, qui se prononça pour les compagnies, conclut à l’ajournement.