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HISTOIRE

pouvoir sacerdotal, ennemi par nature de la liberté d’examen et conséquemment de l’instruction publique, il voulut préserver de toute atteinte l’enseignement laïque et créa l’Université, à laquelle il remit l’éducation nationale. À partir de ce moment, la société fut livrée à deux grands courants d’opinion qui, en se choquant perpétuellement sans jamais pouvoir se confondre, ruinèrent une à une les bases de l’ordre moral. Entre l’éclectisme de l’Université, qu’un prêtre illustre appelait le vestibule de l’enfer, et l’orthodoxie de l’enseignement catholique armé des peines éternelles, il ne pouvait s’établir aucune paix solide. Le clergé l’emporta sous la Restauration. Sous Louis-Philippe, l’Université ressaisit l’empire. Les inimitiés, refoulées et amassées de part et d’autre, n’en devinrent que plus vives.

La République, avertie par une aussi longue expérience, ne devait pas tenter une conciliation impossible. S’il était trop tôt encore pour imposer à la société l’unité de l’enseignement, si la sanction publique ne conférait pas aux nouveautés de la science et de la philosophie une autorité assez respectable pour qu’elles pussent se substituer pleinement au dogmatisme sacerdotal, il était temps du moins d’ouvrir un champ libre à la raison et de briser les liens qui rattachaient encore l’enseignement laïque à l’enseignement ecclésiastique. La séparation de l’Église et de l’État, généralement admise en principe[1], devait s’opérer immédiatement par le retrait de la dotation du clergé ; alors la liberté de l’enseignement ne favorisait plus, comme elle le fait, dans les conditions actuelles, les empiétements et la domination du pouvoir clérical. L’enseignement laïque ne luttait plus avec désavantage contre l’enseignement ecclé-

  1. L’indépendance, considérée comme un moyen de régénération pour l’Église, était demandée par M. de Lamennais et par ses disciples, MM. Lacordaire, Gerbet, de Montalembert, etc., depuis 1830, dans le journal l’Avenir. M. de Lamartine affirme dans son Histoire de la Révolution de 1848, v. II, p. 161, qu’il « avoua avec franchise au souverain pontife que tel était son vœu. Rome et les hommes éminents du clergé, dit-il, ne paraissaient nullement effrayés de cette perspective. »