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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

L’appât d’un salaire assuré sans travail attira bientôt à Paris une masse énorme d’ouvriers des départements et d’ouvriers étrangers[1]. Le désordre arriva à un tel point que le 2 mars l’administration se déclara dans l’impuissance de contenir plus longtemps cette multitude oisive. Ce fut alors qu’un jeune ingénieur, M. Émile Thomas, témoin des scènes tumultueuses qui se renouvelaient chaque jour devant les mairies, conçut un projet de centralisation et d’organisation qu’il soumit au ministre. Celui-ci l’approuva et convoqua à l’Hôtel de Ville une réunion des douze maires, du conseil municipal et des ingénieurs en chef qui, sous la présidence de M. Garnier-Pagès, discutèrent et adoptèrent le plan de M. Émile Thomas[2]. Le lendemain, 6 mars, M. Émile Thomas fut nommé commissaire de la République et directeur des ateliers nationaux. On lui assigna pour résidence le pavillon de Monceaux, appartenant à la liste civile, et l’on mit sous ses ordres une administration nombreuse. Quoiqu’il relevât immédiatement du ministre des travaux publics, M. Émile Thomas devait se tenir à la disposition du maire de Paris et entrer en correspondance avec les maires des douze arrondissements. Le ministre lui promettait le concours actif des ponts et chaussées, qu’il allait mettre en demeure de fournir immé-

  1. On voit dans une instruction, en date du 20 mars, adressée par M. Ledru-Rollin aux commissaires de la frontière belge, qu’il se préoccupe vivement de cet accroissement de la population ouvrière et qu’il recommande les mesures les plus sévères pour « repousser de France les indigents étrangers dont la présence serait une charge pour les communes ou un sujet d’inquiétude pour les populations. » Le 4 avril il leur annonce que « des ordres formels vont être donnés pour qu’on n’admette désormais aux ateliers nationaux que les seuls ouvriers domiciliés à Paris avant le 24 février, et qu’on va aviser à amener les autres ouvriers à retourner dans leurs départements respectifs. » (voir le Rapport de la commission d’enquête, v. II, p. 170.)
  2. Cette réunion était composée de vingt-quatre personnes, dont aucune n’éleva la voix contre le projet de M. Émile Thomas. C’étaient le maire de Paris, M. Garnier-Pagès ; le maire adjoint, M. Buchez ; M. Flottard, secrétaire général ; M. Barbier, chef du personnel ; M. Trémisot, chef du service des eaux et du pavé de Paris, etc.