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DOCUMENTS HISTORIQUES

nous sommes. Nous n’avons pas osé nous tourner contre l’Autriche de peur de voir l’Angleterre reconstituer immédiatement contre nous une nouvelle Sainte-Alliance. Nous arrivons devant les Chambres avec une détestable situation intérieure et, à l’extérieur, une situation qui n’est pas meilleure. Tout cela est l’œuvre du roi seul, le résultat de la vieillesse d’un roi qui veut gouverner, mais à qui les forces manquent pour prendre une résolution virile.

Le pis est que je ne vois pas de remède. Chez nous, que faire et que dire, lorsqu’on montrera notre mauvaise situation pécuniaire ? Au dehors, que faire pour relever notre situation et suivre une ligne de conduite qui soit du goût de notre pays ? Ce n’est certes pas en faisant en Suisse une intervention austro-française, qui serait pour nous ce que la campagne de 1823 a été pour la Restauration. J’avais espéré que l’Italie pourrait nous fournir ce dérivatif, ce révulsif dont nous avons tant besoin ; mais il est trop tard, la bataille est perdue ici.

Nous n’y pouvons rien sans le concours des Anglais ; et chaque jour, en leur faisant gagner du terrain, nous rejette forcément dans le camp opposé. Nous ne pouvons plus maintenant faire autre chose ici que de nous en aller, parce qu’en restant, nous serions forcément conduits à faire cause commune avec le parti rétrograde ; ce qui serait, en France, d’un effet désastreux. Ces malheureux mariages espagnols ! Nous n’avons pas encore épuisé le réservoir d’amertume qu’ils contiennent.

Je me résume : en France, les finances délabrées ; au dehors, placés entre une amende honorable à Palmerston, au sujet de l’Espagne, ou cause commune avec l’Autriche pour faire le gendarme en Suisse et lutter en Italie contre nos principes et nos alliés naturels. Tout cela rapporté au roi, au roi seul, qui a faussé nos institutions constitutionnelles. Je trouve cela très-sérieux, parce que je crains que les questions de ministres et de portefeuilles ne soient laissées de côté, et c’est un grave danger, quand, en face d’une mauvaise situation, une assemblée populaire se met à discuter des questions de principes. Si encore on pouvait trouver quelque événement, quelque affaire à conduire vivement et qui pût, par son succès, rallier un peu notre monde, il y aurait encore des chances de gagner la bataille ; mais je ne vois rien.


III

déclaration publiée par les journaux de l’opposition le 22 février 1848.

à tous les citoyens.

Une grande et solennelle manifestation devait avoir lieu aujourd’hui en faveur du droit de réunion, contesté par le gouvernement. Toutes