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INTRODUCTION.

prix des plus durs sacrifices, des études très-incomplètes. Avec la rude opiniâtreté des hommes de son pays, il tourna d’abord son esprit vers les questions religieuses et s’occupa de recherches sur les origines du christianisme. Mais bientôt ses travaux prirent un autre cours, et, en 1840, il adressait à l’Académie des sciences morales, un Mémoire dans lequel ayant choisi, ce sont ses propres expressions, pour sujet d’expériences ce qu’il avait trouvé de plus ancien, de plus respectable, de plus universel, de moins controversé, la propriété, il concluait à une négation absolue, devenue célèbre par sa formule : La propriété, c’est le vol. À cette première négation succédèrent coup sur coup, dans ses différents ouvrages, une série de négations comprises dans la négation générale de tout pouvoir, et conséquemment du pouvoir suprême de Dieu.

La hardiesse des propositions de M. Proudhon, mise en relief par une vigueur et une âpreté de style peu communes, ce défi jeté à toutes les croyances, à toutes les opinions reçues, excita une indignation violente. Difficile à comprendre, impossible à mettre d’accord avec lui-même, habile à manier le sophisme, consommé dans l’art du paradoxe et de l’ironie, M. Proudhon conquit subitement dans un cercle restreint d’abord, mais de plus en plus élargi, une renommée où la répulsion avait plus de part que la sympathie et qui se composait plus de scandale que d’admiration. Une sorte de terreur s’attacha à son nom et fit sa puissance. Étourdi par l’excentricité de la forme, le vulgaire, incapable de pénétrer plus avant, crut à une originalité profonde dans les idées de M. Proudhon.