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INTRODUCTION.

bons. Mais l’instinct populaire ne fut point étouffé, et la portion non encore enrichie de la bourgeoisie, en exprimant, dans son opposition parlementaire, les sentiments confus des masses, leur donna une puissance inattendue. Les tendances rétrogrades du gouvernement, ses provocations multipliées avancèrent l’heure du conflit. Dans la lutte qui s’engagea, l’instinct l’emporta sur la science, le sentiment populaire fut plus fort que l’habileté politique. La France démocratique, dans un accès d’indignation, renversa le gouvernement de la France bourgeoise et se proclama libre sous un gouvernement républicain. C’était là un juste châtiment des erreurs de la bourgeoisie dynastique. Mais bientôt on s’aperçut que les circonstances avaient précipité un dénoûment auquel on n’était pas assez préparé. Républicaine avant l’heure, par la faute d’un pouvoir sans discernement, insuffisamment initiée à la vie politique, la démocratie révolutionnaire s’est trouvée tout d’un coup aux prises avec des difficultés de tous genres qu’elle avait à peine entrevues. Ni elle ne se connaissait bien elle-même dans ses éléments complexes, ni surtout elle ne se formait une idée exacte de l’état social, tout à la fois très-nouveau et très-ancien, où se trouvaient la France et l’Europe. De là les étonnements et les incertitudes des hommes portés au pouvoir par la faveur populaire. De là les oscillations, le prompt discrédit d’une politique qui, négligeant les réformes possibles, prêtant l’oreille aux utopies, applaudissant aux contre-coups de la révolution en Europe et rassurant les princes par des promesses de paix, parut tout à la fois, à l’extérieur comme à