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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

révolution. Une révolution qui apparaissait dans les nuages dorés de la poésie, qui prenait dans les imaginations le nom de Lamartine, n’avait plus rien d’effrayant. On s’accoutumait à la voir sous un aspect idéal. De même que, dans les créations de sa jeunesse, Lamartine avait renouvelé la tradition chrétienne en la dépouillant de toutes ses rigueurs, de même, dans les inspirations de sa maturité, il renouvelait la tradition révolutionnaire en éloignant d’elle les images sanglantes.

Le banquet de Mâcon déplut au ministère, mais ne l’inquiéta pas. Il en fut de même de ceux qui suivirent, à Colmar, à Reims, à Soissons, à la Charité, à Chartres, etc. MM. Odilon Barrot et Duvergier de Hauranne continuant de régler la discipline de ces banquets, les apparences étaient sauvées ; c’était assez pour qu’on n’osât pas montrer un mécontentement sérieux. Les railleries soutenues du Journal des Débats, la défense faite aux fonctionnaires publics d’assister aux banquets, le refus d’ouvrir aux réformistes les salles des municipalités, la condamnation de quelques gérants de la presse radicale, mille tracasseries de détail enfin témoignaient bien d’une mauvaise humeur qui, disait-on, venait surtout de Louis-Philippe ; mais, de part et d’autre, on en était encore, à la taquinerie politique, au dépit. L’intrusion des ultra-radicaux au banquet de Lille vint changer la face des affaires.

J’ai dit que jusque-là le parti radical s’était abstenu des manifestations réformistes. Ainsi que le ministère, il n’avait vu dans les premiers banquets qu’une fanfaronnade de l’opposition en goguettes. De ce grand bruit de paroles, pensaient les radicaux, il ne pouvait résulter qu’une modification dans les personnes, l’avénement d’hommes moins usés dans l’opinion que MM. Guizot et Duchâtel, et qui peut-être apporteraient au gouvernement, avec un peu plus d’initiative, une popularité nouvelle. Cependant, voyant l’agitation se perpétuer et s’étendre dans le pays, comprenant qu’il fallait profiter d’un concours de circonstances qui ne