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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

lui l’effet de ces vœux intérieurs qui consacraient les chevaliers du moyen âge à une entreprise héroïque. Une douceur et une égalité d’âme parfaites parurent constamment, depuis qu’on le vit mêlé aux troubles politiques, dans toute sa personne. Quand il revint à Paris, après neuf années passées dans les prisons d’État, sa belle tête, devenue un peu chauve, semblait encore plus fière ; sa démarche, avec plus de lenteur, avait pris plus de dignité ; son œil voilé et son visage pâli décelaient la souffrance, mais son sourire gardait une sérénité inaltérable et sa voix touchante n’avait pas perdu dans l’isolement le don de la persuasion.

Le jour même de son arrivée, M. Barbès, après avoir entendu ses amis et sondé avec chagrin la profondeur des dissentiments qui séparaient l’un de l’autre les membres du gouvernement provisoire, résolut de tenter une conciliation. Comme M. de Lamartine lui paraissait, ainsi qu’à presque tous les chefs du parti populaire, l’homme le plus propre à réunir sous le drapeau républicain les différentes opinions du pays, ce fut lui qu’il alla trouver. Il lui offrit un concours désintéressé, s’engagea à soutenir le gouvernement provisoire dans la tâche qu’il s’était donnée de traverser sans effusion de sang les jours qui devaient s’écouler jusqu’à la convocation de l’Assemblée, promit de modérer l’impatience des prolétaires et de veiller sur les hommes suspects, dont il voyait déjà poindre les mauvaises menées. Il témoigna à M. de Lamartine une grande confiance et, satisfait de ses entretiens avec lui, il ouvrit son club par une adhésion explicite à la politique du gouvernement provisoire.

Dans une des premières séances du conseil, M. Barbès avait été fait gouverneur du Luxembourg peu de temps après, on le nomma colonel de la 12e légion de la garde nationale. Malgré les instances de M. Louis Blanc, il refusa la première de ces fonctions, la jugeant une sinécure, et n’accepta qu’avec peine le commandement de la légion.