Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
HISTOIRE

quels on affirme avoir vu des émissaires de l’archiduchesse Sophie, s’écrient que c’est Metternich qui trompe l’empereur et l’empêche d’accéder aux vœux du peuple. La multitude, crédule à ces propos, se précipite vers la maison de campagne du prince : les maîtres n’y sont pas ; les serviteurs ferment les portes. La foule les enfonce, se répand dans les appartements, brise les glaces, allume dans la cour, avec quelques meubles, un feu de joie ; après quoi elle revient, triomphante, grossir un attroupement qui entoure la chancellerie d’État, et demande à grands cris le renvoi du ministre. Là le résultat est plus sérieux et le succès plus décisif. Au bout de très-peu de temps, un conseiller impérial paraît au balcon, harangue le peuple et lui annonce que Sa Majesté l’Empereur, plein de sollicitude pour ses fidèles sujets, s’occupe en ce moment même de décréter les libertés demandées. Par une étrange coïncidence, pendant que le conseiller parle encore, les troupes qu’on avait vues jusque-là immobiles, l’arme au bras, et qui partout avaient laissé passer le peuple, se déploient et s’apprêtent à dissiper les rassemblements. La foule murmure ; quelques enfants jettent des pierres aux soldats ; un officier supérieur est atteint au front d’un coup qui fait jaillir le sang. À cette vue, la troupe, irritée, oublie l’ordre et fait feu ; cinq à six insurgés tombent morts ou blessés grièvement. Le peuple fuit, mais en criant Aux armes ! et les barricades s’élèvent. La troupe hésite à faire usage de ses armes. Les insurgés, très-résolus, au contraire, se rendent peu à peu maîtres de la ville. Dans la nuit du 13 au 14, le prince de Metternich se démet volontairement de ses fonctions et quitte Vienne précipitamment. Le lendemain, malgré cette apparente satisfaction donnée au peuple, l’agitation, loin de diminuer, devient formidable. L’empereur se décide à consentir toutes les réformes demandées par le peuple. Alors la joie publique éclate ; les cris de Vive l’empereur ! ébranlent les maisons. Des lampions, des transparents, des drapeaux décorent les fenêtres ; la nuit se