ciles. Le sort de l’autre colonne, bien que moins rapidement décidé, ne fut guère plus heureux. Sous la conduite de quatre élèves de l’École polytechnique, délégués par le gouvernement pour accompagner les émigrants, elle resta deux jours à Séclin, où, sur l’ordre du commissaire, on lui délivra des rations de pain, les 1,500 fusils, des cartouches et quelques secours en argent. Cependant, le ministre de la guerre, averti par le général Négrier, qui commandait à Lille, des projets d’invasion à main armée dont s’entretenaient les émigrants, envoyait l’ordre aux élèves de l’École polytechnique de revenir à Paris, « le gouvernement provisoire ne voulant, disait la dépêche, ni violer, ni aider à violer la frontière belge. »
Voyant la tournure que prenaient les choses, M. Delécluze, embarrassé de sa position vis-à-vis des réfugiés qui le sommaient de tenir ses promesses, écrivit en toute hâte à M. Ledru-Rollin cette simple question : « Faut-il autoriser les Belges à passer la frontière ? » Il demandait, vu l’extrême urgence, qu’on lui transmît par le télégraphe un oui ou un non, sans plus d’explication. M. Ledru-Rollin fit répondre non. Un signe mal interprété sur la ligne empêcha que cette réponse ne fût transmise, et les réfugiés, qu’on ne pouvait plus retenir, se mirent en marche, le 23 mars au soir, en se dirigeant, sous la conduite d’un contrebandier, vers la frontière, à Bousbecque. Une influence, dont on a suspecté la loyauté, fait changer l’itinéraire et, après avoir erré toute la nuit à travers la campagne, la colonne arrive au grand jour à la douane belge. Un régiment d’infanterie et quelques pelotons de chasseurs évidemment prévenus, sortent d’une embuscade ; ils ouvrent le feu ; la colonne expéditionnaire riposte, mais, après un combat d’une heure environ où sept à huit hommes sont tués de part et d’autre, elle prend la fuite et, rentrée sur le territoire français, se rallie au village de Risquons-Tout qui, pour comble de malheur, laisse à cette expédition manquée un nom ridicule.