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HISTOIRE

les hontes de la prostituée, trahissait plus qu’il n’était acceptable pour l’opinion et utile dans la circonstance, un talent de femme et d’artiste, le Bulletin no 16 parlait la langue des factieux et proclamait hautement l’intention secrète des clubs : à savoir que, si les élections ne se faisaient point au gré du peuple de Paris, il manifesterait une seconde fois sa volonté et ajournerait les décisions d’une fausse représentation nationale[1]. Cette imprudente menace produisit immédiatement un effet tout contraire à celui qu’en attendait sans doute l’auteur. Au lieu d’intimider, elle anima le parti de la résistance. Averti de la sorte vingt-quatre heures à l’avance, il eut tout le temps de prendre ses mesures et d’opposer à une conspiration si mal conduite des moyens bien concertés.

Cependant les clubs directeurs, persuadés que M. Ledru-Rollin marchait avec eux et que la majorité du gouvernement provisoire, encore sous le coup de la manifestation du 17 mars, serait aisément expulsée de l’Hôtel de Ville, faisaient, sans beaucoup de mystère, leurs préparatifs pour le lendemain. Dans une réunion qui délibéra pendant la nuit chez M. Sobrier, on avait arrêté la liste des noms qui devaient composer le comité de salut public. On y gardait de l’ancien gouvernement, MM. Ledru-Rollin, Flocon, Louis Blanc et Albert, auxquels on adjoignait MM. Raspail, Blanqui, Kersausie et Cabet.

M. Sobrier que M. de Lamartine tenait pour sien, et qui l’était à demi, selon que le vent révolutionnaire soufflait avec plus ou moins de force sur ses pensées flottantes, avait reçu quelques jours auparavant, d’après l’ordre formel du ministre de la guerre, 400 fusils et 3,000 paquets de cartouches[2]. On était autour de lui parfaitement résolu aux dernières extrémités ; mais M. de Lamartine se flattait que

  1. Rapport de la commission d’enquête, v. II, p. 73.
  2. Voir au vol. I, p. 227, du Rapport de la commission d’enquête, la déposition de M. Arago.