Blanc ni M. Albert ne paraissent ; on n’entend point encore battre le rappel ; le ministre de l’intérieur ne vient pas ; aurait-il trahi M. de Lamartine ? À toute minute les émissaires de M. Marrast accourent et jettent l’alarme. « Le faubourg Saint-Antoine est en pleine insurrection, disent-ils ; les communistes ont pris les Invalides ; ils y mettent le feu ; deux cent mille prolétaires en armes s’apprêtent à saccager Paris. »
Mais sur ces entrefaites, M. Ed. Adam, qui est allé à l’état-major de la garde nationale pour s’assurer que les ordres ont été donnés, revient dire qu’elle accourt de toute part au secours du gouvernement. Bientôt on entend le tambour ; c’est Barbès qui, à la tête de sa légion, débouche sur la place de Grève aux cris de : Vive le gouvernement provisoire ! M. Ledru-Rollin a tenu parole, la partie est perdue pour M. Blanqui ; la conspiration est avortée.
Cependant, entre deux et trois heures, la colonne des ouvriers du champ de Mars s’ébranle. Elle s’avance en bon ordre, portant sa collecte ; elle se grossit en marchant d’une partie des ateliers nationaux rassemblés à l’Hippodrome[1] et d’un grand nombre d’hommes du peuple accourus sur le bruit répandu partout que MM. Ledru-Rollin et Louis Blanc viennent d’être assassinés. Elle arrive ainsi jusqu’au quai du Louvre sans avoir entendu aucun bruit de tambour, ni aperçu le moindre signe de défiance. Mais, là, elle se trouve tout d’un coup en présence de deux légions de la rive droite qui, sans faire de démonstration hostile, enveloppent les ouvriers, les escortent en séparant les groupes et en les observant jusqu’à l’entrée de la place de Grève. À ce mo-
- ↑ La majeure partie des ouvriers rassemblés à l’Hippodrome quittèrent la manifestation en entendant battre le rappel et rejoignirent les rangs de la garde nationale. Leur jalousie contre les délégués du Luxembourg avait été en ces derniers temps fort excitée ; on leur persuadait qu’ils agiraient directement contre leurs intérêts en favorisant les entreprises de M. Louis Blanc.