disent qu’ils n’ont aucune intention mauvaise, et ils semblent, en effet, disposés à jouir du spectacle nouveau pour eux d’une discussion parlementaire, plutôt qu’à chasser les représentants. Mais le flot qui monte derrière eux les presse ; la foule déborde ; les tribunes s’encombrent et semblent fléchir sous le poids ; on se dispute les places, on s’étouffe ; les femmes poussent des cris d’effroi ; plusieurs hommes en blouse, autant pour dégager un peu les tribunes que pour voir de plus près les choses, se laissent glisser le long des murs en s’accrochant aux corniches, et, descendant par les petits escaliers qui divisent l’amphithéâtre, ils se mêlent aux représentants, s’asseoient aux places vides, sans se douter qu’ils commettent une énormité ; puis ils entament des conversations avec leurs voisins. De leur côté, les représentants, voyant ces hommes sans armes, ces physionomies plus curieuses que menaçantes, se rassurent un peu ; ils regardent ce désordre avec surprise, mais sans trop d’indignation ; ils semblent se prêter à l’originalité d’une scène qui n’a rien de très-alarmant et va, sans doute, tout à l’heure finir d’elle-même. Le président, qui s’était couvert, se découvre pour indiquer que la séance n’est pas interrompue. Les femmes et les curieux se rasseoient dans les tribunes ; tout le monde se tranquillise, mais cette espèce de trêve ne dure pas. De nouveaux flots populaires entrent incessamment dans la salle et l’on commence à entendre des propos inquiétants. La multitude venue par la rue de Bourgogne, trouvant la grille fermée, l’avait assiégée avec une certaine violence. Le général Courtais, qui se flattait toujours de tout apaiser par sa seule présence, va pour la haranguer ; il dit qu’il brisera son épée plutôt que de jamais la tirer contre le peuple ; il prie qu’on se tienne tranquille ; il annonce que le président de l’Assemblée ayant consenti à recevoir la pétition des mains de vingt-cinq délégués, il va leur faire ouvrir les grilles. Mais cette harangue ne produit pas l’effet qu’il en attendait ; l’irritation était grande sur ce point. Des orateurs en
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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.