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HISTOIRE

d’expulser de gré ou de force l’étrange garnison des Tuileries. Mais cet ordre imprudent faillit amener une catastrophe. Quand le capitaine Saint-Amand transmit à ces hommes, auxquels il était censé commander, mais qui, en réalité, n’obéissaient qu’à deux ou trois des leurs, l’injonction de M. Caussidière, on lui répondit par un refus péremptoire. Une rumeur effroyable s’éleva dans les rangs ; tous s’écrièrent qu’on leur faisait un outrage, qu’on les voulait chasser avec ignominie, eux, les braves combattants, les citoyens dévoués qui avaient sauvé les Tuileries de la dévastation ; tous déclarèrent qu’ils feraient plutôt sauter le palais que de subir un affront pareil. En proférant ces menaces, ils chargeaient leurs armes et s’apprêtaient au combat. Dans le même temps, on entendait au dehors la troupe de M. Caussidière qui battait la charge et croisait la baïonnette. Que le signal de l’assaut fût donné, et c’en était fait peut-être du palais des Tuileries. Dans cette extrémité, le capitaine Saint-Amand, qui avait envoyé prévenir le gouvernement provisoire, essaya de gagner du moins un peu de temps et se mit à haranguer sa redoutable garnison. Il feignit d’entrer dans ses colères, de partager son indignation et, la calmant ainsi peu à peu, il obtint qu’elle laisserait entrer la troupe de M. Caussidière, lui promettant que le gouvernement provisoire ferait réparation aux braves citoyens qui s’étaient dévoués à la garde des Tuileries, et ne les ferait sortir du palais qu’avec les honneurs de la guerre.

Il leur persuada ainsi d’ouvrir la grille aux montagnards, qui entrèrent tambour en tête et se rangèrent en bataille dans la cour. Sur ces entrefaites, le général Courtais, averti, accourait sans escorte. Resté seul au milieu de ces bandes en armes, auxquelles il essaya vainement de faire entendre raison, il se promenait de long en large dans la cour, attendant non sans inquiétude, car il était en réalité prisonnier, l’issue de cette incroyable aventure. Enfin le gouvernement provisoire parut. MM. Ledru-Rollin, Arago,