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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

titua presque tous peu de jours après. Les Montagnards de la caserne Saint-Victor ne furent pas mieux traités. Ces hommes intrépides, qu’on appelait depuis trois mois les héros des barricades, les sauveurs de la patrie, furent honnis, maltraités, désarmés, après quoi jetés sur le pavé sans ressource.

M. Trouvé-Chauvel, banquier au Mans, ancien ami de M. Ledru-Rollin, devenu l’ami de M. Marrast, fut nommé préfet de police, en remplacement de M. Caussidière. Le général Tempoure, qui s’était laissé envelopper par les factieux pendant l’invasion de l’Assemblée et qui avait, du haut d’une tribune, assisté malgré lui à ce spectacle, fut destitué, en partie pour ce fait, que l’on voulut considérer comme une preuve de complicité, en partie aussi pour avoir ensuite, par trop de zèle et sans ordre supérieur, fait braquer le canon sur la préfecture de police.

La révocation de M. Saisset, sous-chef d’état-major de la garde nationale, accusé de n’avoir pas obéi à l’ordre de faire battre le rappel, suivit de près. Le club des Droits de l’homme, celui de Blanqui furent fermés les prisonniers furent transportés à Vincennes mais toutes ces mesures de rigueur ne donnaient pas assez de satisfaction à la garde nationale. L’Assemblée elle-même se laissait aller à des soupçons excessifs, à des colères qui, si elles n’étaient pas complétement injustes, étaient du moins très-impolitiques.

À dater du 15 mai, le mot de réaction devint fréquent dans le langage de la presse, parce qu’il exprimait la tendance presque avouée de la droite. À partir de cette malheureuse journée, elle perdit le sentiment de crainte et d’étonnement mêlé de respect que le peuple du 24 Février lui avait inspiré, ou plutôt imposé. En voyant la garde nationale si animée à sa défense et l’émeute si aisément dispersée sans combat, elle se crut de nouveau maîtresse du pays, ne souffrit plus que très-impatiemment la loi de la majorité républicaine, et, loin de chercher désormais à prévenir les luttes à main armée, elle souhaitait plutôt que