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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/302

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HISTOIRE

qui, parce qu’elle avait été la mesure de sa vie, lui semblait la régulatrice du monde.

Ses fils, élevés sous ses yeux, dans nos colléges, non en princes du sang, mais en particuliers riches, se montraient, autant que lui, résignés aux caprices du sort et soumis à la volonté du peuple. Le projet de décret de bannissement leur arracha un premier cri de douleur. La lettre qu’ils adressèrent, en cette circonstance, au président de l’Assemblée nationale, exprimait avec une simplicité parfaite, leur étonnement de se voir assimilés, dans le style du décret, aux princes de la branche aînée des Bourbons. Dans le même temps, le prince de Joinville écrivait à un officier de marine des lettres que publiait la Presse, où il laissait entrevoir le désir de devenir représentant du peuple et l’ambition de la présidence ; annonçant, dans le cas où le pays ne voudrait pas le rappeler, l’intention d’aller aux États-Unis s’établir et faire à ses enfants une petite fortune : singulières pensées, langage étrange pour un fils de roi, et qui montre en un exemple frappant la pénétration universelle des idées et des mœurs démocratiques.

J’ai dit que les partisans du prince de Joinville, croyant le moment opportun, avaient posé sa candidature pour les élections prochaines. Par suite de plusieurs élections doubles, de la démission de M. Caussidière et de celle du P. Lacordaire qui n’avait pas eu à la tribune le succès qu’il obtenait à la chaire, et qui, pour s’être assis à la Montagne, s’était vu sévèrement repris par un journal religieux[1], on allait avoir à élire onze représentants du peuple.

Nous avons vu dans quel état de malaise, de trouble et d’irritation, l’inertie de la commission exécutive, l’indécision de l’Assemblée et les extravagances de la presse avaient jeté le pays ; tous les mécontentements, toutes les inquiétudes, toutes les intrigues, agirent en sens inverse, pendant

  1. L’Univers alors sous l’influence de M. de Montalembert.