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HISTOIRE

M. Clément Thomas, à demain, y songez-vous ! remettre à demain, c’est la bataille pour aujourd’hui ! »

L’Assemblée est un moment émue ; le peuple se rassemble de nouveau autour du Palais-Bourbon. Les représentants, à leur sortie, sont accueillis par des huées. Les cris de : Vive l’Empereur ! à bas Thiers ! à bas les représentants ! retentissent à leurs oreilles ; les physionomies paraissent très-sombres. Au moment où le président refusait de lire l’adresse de Louis Bonaparte aux électeurs, un homme en blouse lui a jeté d’une tribune un billet ainsi conçu : « Si vous ne lisez pas les remercîments de Louis Bonaparte aux électeurs, je vous déclare traître à la patrie. » Ce billet était signé Auguste Blum, ancien élève de l’École polytechnique. Tant d’audace ne serait pas explicable, pensait-on, si elle ne s’appuyait sur une grande force populaire. On se confirme dans ces soupçons en apprenant que Blum est maintenant délégué des maçons aux conférences du Luxembourg, et qu’il passe pour l’un des principaux agents de M. Louis Blanc. On apprend aussi qu’un attroupement très-nombreux, qui stationne dans les Tuileries, parle de proclamer Bonaparte premier consul ; l’orage gronde dans l’air ; on a le pressentiment d’une insurrection prochaine.

Cependant, l’impopularité de M. Clément Thomas, venant s’ajouter à l’impopularité de la commission exécutive, fait encore une fois pencher la balance du côté de Louis Bonaparte. Considéré, le 15 mai, comme un libérateur, M. Clément Thomas a encouru dès le lendemain la disgrâce de la droite en déposant, ainsi que nous l’avons vu, une pétition des officiers de la garde nationale qui demandait qu’on ne fît pas de réaction. La garde nationale elle-même, devenue beaucoup moins républicaine que les officiers qu’elle a élus en un premier moment d’entraînement, souhaitait un autre chef. Dans une récente discussion soulevée par la proposition de deux représentants bonapartistes et qui tendait à rétablir l’effigie de Napoléon sur la croix de la Légion d’honneur, M. Clément Thomas a blessé le sentiment public en