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Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/345

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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

particulièrement les chapeliers, les tisseurs, les mécaniciens, plutôt que d’accepter l’augmentation de salaire qui leur est offerte, se font inscrire aux ateliers nationaux. À tout moment, on voit passer des colonnes d’ouvriers mêlés à des gardes mobiles et à des gardes républicains, qui se promènent par les rues en tenant des propos menaçants. On sait que les montagnards licenciés n’ont jamais cessé de se réunir. Ils se vantent de pouvoir compter sur cinquante mille hommes qui se tiennent prêts pour une insurrection prochaine ; ils affirment que Caussidière reste leur chef ; ils répètent que, s’il avait été libre au 15 mai, l’émeute aurait triomphé ; ils font afficher sa candidature à la présidence de la République.

On entend crier par les rues des feuilles dont le titre seul épouvante : le Tocsin des travailleurs, le Robespierre, la Carmagnole, le Journal de la canaille. Les nouveaux journaux bonapartistes fomentent l’esprit de révolte avec un incroyable cynisme[1]. Les représentants, selon ces feuilles, ne sont que des commis oisifs à raison de vingt-cinq francs par jour, qui, lorsque le peuple demande du pain, lui don-

  1. On lit, par exemple, dans le Napoléon républicain, numéro du 14 juin : « Peuple, lorsque tes commis violent leur mandat, souviens-toi du drapeau rouge du Champ de Mars et du courage de tes frères en 1793. » Le 16 juin, la même feuille s’adresse aux gardes mobiles, afin qu’ils éclairent les soldats de la ligne que la terreur bourgeoise voudrait transformer en bourreaux de leurs frères. Cherchant à dépopulariser, l’un après l’autre, tous les républicains connus du peuple, le Napoléon appelle les membres du pouvoir exécutif « les cinq invalides à vingt mille francs par mois. » En parlant de M. de Lamartine, il dit : « L’aigle de la République n’en est plus que la chouette » (numéro du 18 juin). À propos des rassemblements dissipés par M. Clément Thomas : « Pour n’être général que de la veille, dit-il, on n’est pas tenu de faire sabrer le peuple de Paris. Ce sont de mauvais états de services que ceux que l’on écrit sur le pavé d’une capitale avec le sang de ses concitoyens. » (18 juin). À l’occasion des troubles réprimés à Guéret, la feuille bonapartiste parle avec horreur de quatorze Français tués par des fusils français, et s’écrie : « Quand vos frères malheureux se trompent, vous ne savez que les tuer ou les emprisonner. »