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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

La bataille est à peine engagée, que déjà l’on vient lui annoncer qu’elle est perdue.

Il y a bien lieu, en effet, de s’alarmer. Pendant le peu d’heures qui viennent de s’écouler, les insurgés ont pris des positions très-fortes sur la rive droite de la Seine. Sur la rive gauche, ils sont maîtres du Panthéon, d’où ils descendent dans toutes les directions, par des rues barricadées de trente en trente pas, jusqu’au fleuve. Au centre, ils occupent toute la partie de la Cité qui s’étend au delà de la préfecture de police et du Palais de Justice. Partout, la population semble leur être favorable, ou tout au moins elle restera spectatrice du combat sans prêter aucun appui à la troupe.

Les premiers engagements qui ont eu lieu simultanément à la porte Saint-Denis et dans le voisinage du Panthéon, ont été très-meurtriers. Nous avons vu que, dès six heures du matin, huit à dix mille ouvriers s’étaient rassemblés sur la place du Panthéon. Ils y avaient construit quatre fortes barricades. Le maire du douzième arrondissement, M. Pinel-Grandchamp, fait battre le rappel. Trente hommes seulement y répondent. Une vive hostilité entre la 11e et la 12e légion complique la situation. On craint qu’en se rencontrant ces deux légions ne tournent leurs armes l’une contre l’autre. Le maire, qui exerce dans le quartier une certaine influence, parlemente avec les insurgés. Ils n’ont tous qu’une même réponse : ils ne veulent pas partir pour la Sologne ; ils exigent du travail. M. Pinel-Grandchamp promet de porter leur requête à l’Assemblée ; ils s’engagent, à leur tour, à se tenir tranquilles derrière leurs barricades, si les soldats ne viennent pas les y chercher. Comme on en était à ces pourparlers, une colonne de troupes paraît. C’est M. Arago qui l’envoie pour faire une reconnaissance, pour dégager la place du Panthéon, la mairie et les rues avoisinantes. Cette colonne se compose d’un bataillon de la 11e légion, commandé par le colonel Quinet ; d’un détachement du 73e de ligne et d’un détachement de dragons.