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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Cette dernière proclamation, admirable par la grandeur des sentiments d’humanité qui l’inspirent, unique dans les fastes militaires par la dignité, par le respect de soi qu’elle suppose ou qu’elle veut faire naître chez ceux à qui elle s’adresse, mérite d’être retenue et méditée. On y verra quel langage la vertu républicaine sait parler, même dans la bouche d’un soldat. On comprendra comment, par cela seul que ce soldat est républicain et voit dans les soldats qu’il commande au nom de la loi, non plus des bras serviles façonnés à tuer par la discipline, mais des citoyens dont il respecte la conscience libre, quelques paroles de circonstance, oubliées d’ordinaire aussi vite qu’elles sont prononcée, s’élèvent à la hauteur d’un témoignage historique qui a droit d’occuper la mémoire d’une nation et d’intéresser la pensée humaine.

« Soldats, » disait le général Cavaignac, le 24 juin, à onze heures du matin, au moment même où le combat recommençait dans les conditions les plus défavorables et où il pouvait sembler nécessaire de surexciter les passions de l’armée, afin de rendre plus égale la force d’impulsion qui, jusqu’alors, avait paru tout entière du côté des insurgés, « soldats ! le salut de la patrie vous réclame. C’est une terrible, une cruelle guerre que celle que vous faites aujourd’hui. Rassurez-vous, vous n’êtes point agresseurs ; cette fois, du moins, vous n’aurez pas été de tristes instruments de despotisme et de trahison. Courage, soldats ! imitez l’exemple intelligent et dévoué de vos concitoyens ; soyez fidèles aux lois de l’honneur, de l’humanité ; soyez fidèles à la République. À vous, à moi, un jour ou l’autre, il nous sera donné de mourir pour elle. Que ce soit à l’instant même, si nous devions lui survivre ! »

Cette proclamation fit sur l’heure un très-grand effet. Elle est de nature à en produire un plus grand encore aujourd’hui que tant d’événements, en France et en Europe, éclairent d’un jour nouveau le sentiment qui l’a dictée. D’autres généraux ont été chargés, comme le général Cavai-