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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

moral de les châtier, eux et leur famille, d’un crime très-grand, il est vrai, mais que la conscience publique, si elle était équitable, ne pouvait imputer à eux seuls.

D’autres considérations encore, quoique secondaires, portaient le chef du pouvoir à user de clémence envers les vaincus. Ombrageux et défiant par nature, le général Cavaignac se tenait en garde contre les perfidies du parti dynastique. Son instinct l’avertissait que, s’il cédait aux premières exigences d’un parti qui ne faisait déjà que le tolérer au pouvoir, il perdrait bientôt toute autorité et ne serait plus qu’un instrument que l’on briserait dès qu’il aurait été jugé inutile. Cependant, par un effet regrettable de cette indécision dans la volonté qui ne provenait chez lui ni de l’indifférence, ni de l’inapplication aux affaires, mais de l’absence de ces vues larges et hautes de l’homme d’État qui mesure et domine les obstacles quotidiens et les incidents particuliers de la politique, le général Cavaignac n’entra pas résolument dans les voies d’une politique généreuse et forte où il dépendait de lui d’entraîner l’Assemblée. S’exagérant les dangers que courait la République, il crut les conjurer en prolongeant le régime du pouvoir militaire et des mesures exceptionnelles. Au lieu de rentrer le plus promptement possible dans l’ordre légal, il demandait la prolongation de l’état de siége (7 juillet) pour un temps indéfini ; il froissait une certaine délicatesse de l’opinion républicaine en décorant des soldats, des gardes nationaux et des gardes mobiles qui s’étaient signalés pendant l’insurrection[1] ; il suspendait un grand nombre de journaux[2] ; il re-

    mandent qu’à travailler. » Et plus loin : « Ce qu’on appelle à Paris la Société du bâtiment ne fait que des demandes extrêmement mesurées. »

  1. Le général Changarnier fut obligé d’adresser à plusieurs colonels qui refusaient les décorations au nom de leurs légions une lettre dans laquelle il en appelait au principe de l’obéissance.
  2. Entre autres, la Presse, l’Assemblée nationale, la Liberté, la Vraie République, l’Organisation du travail, le Napoléon républicain, le Journal de la canaille, le Père Duchesne, le Pilori, la Révolution de 1848, le Lampion.