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HISTOIRE

sence des mille difficultés que soulevait à chaque pas une mission très-complexe, les commissaires insistèrent vivement pour qu’on leur en adressât de plus précises. Alors le ministre chargea M. Jules Favre de rédiger une circulaire qui parut le 8 mars au Moniteur, revêtue de sa signature, et qui devint aussitôt l’occasion, le prétexte et le signal d’une scission ouverte entre les classes et les partis, scission que la sagesse du peuple de Paris et la balance établie dans le gouvernement provisoire entre les opinions extrêmes avaient jusque-là retardée.

La circulaire du ministre de l’intérieur ne contenait cependant rien, ni dans le fond ni même dans la forme, d’aussi révolutionnaire que plusieurs des décrets du gouvernement provisoire. Elle ne faisait autre chose que de confirmer un fait accompli et nécessité par la révolution, c’est-à-dire la concentration provisoire de pouvoirs extraordinaires entre les mains de républicains chargés de remplir dans les départements les fonctions que le Gouvernement provisoire remplissait dans la capitale. Le ton de la circulaire était, d’ailleurs, sauf une phrase malheureuse et qui donna prise à la malveillance, plein de modération, en parfait accord avec les paroles que l’on applaudissait chaque jour dans la bouche de MM. de Lamartine, Arago, Garnier-Pagès : « L’union de tous, y disait le ministre de l’intérieur, doit être la source de la modération après la victoire. Votre premier soin aura donc été de faire comprendre que la République est exempte de toute idée de vengeance et de réaction. » Puis il recommandait aux commissaires de rassurer les esprits timides et de calmer les impatients : « Les uns, disait-il, s’épouvantent de vains fantômes, les autres voudraient précipiter les événements au gré de leurs ardentes espérances. Vous direz aux premiers que la société actuelle est à l’abri des commotions terribles qui ont agité l’existence de nos pères ; aux autres vous direz qu’on n’administre pas comme on se bat. Le sol est déblayé, le moment est venu de réédifier. Or qui, pour