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HISTOIRE

met au comble l’anxiété du général Cavaignac, on murmure, depuis le 15 mai, de vagues accusations contre la commission exécutive, et, s’il s’en rapporte à ses impressions personnelles, il croit avoir sujet de mettre en doute la loyauté de son concours ; il apprend, sans pouvoir se l’expliquer, que l’ordre donné en conseil d’arrêter Pujol, Esquiros et cinquante-six délégués du douzième arrondissement, qui se sont réunis la veille au jardin des Plantes, n’est pas exécuté, et que ces hommes commandent aux barricades[1].

De telles perplexités sont cruelles ; les rapports qui se pressent ne font que les tourner en certitudes accablantes. La garde nationale, à part la 1re, la 2e et la 10e légion, répond mollement à l’appel[2]. Elle se défie, se plaint de manquer de munitions, murmure contre la commission exécutive ; elle veut savoir pourquoi l’on se bat ; elle demande à voir de la troupe de ligne. De tous côtés, on exige du renfort. On n’a pas assez de troupes à l’Hôtel de Ville ; les maires voudraient en avoir dans toutes les mairies. MM. Marie et Garnier-Pagès demandent un régiment de cavalerie et deux régiments d’infanterie pour couvrir le Luxembourg. Les représentants qui ont parcouru les quartiers insurgés reviennent en proie au plus grand trouble, et jettent la panique dans tous les esprits. Le général Cavaignac est assailli de demandes, de conseils, de reproches.

  1. Cet ordre, envoyé par M. Recurt, le 22, à sept heures du soir, à la préfecture de police, avait été reçu par M. Panisse, directeur de la sûreté générale ; mais le préfet, M. Trouvé-Chauvel, qui, depuis la veille, demandait avec instance des ordres précis et n’en pouvait obtenir, étant sorti pour dîner, n’en prit connaissance que le lendemain 23, à dix heures du matin. On ignorait le domicile de la plupart des hommes désignés sur la liste d’arrestation. Il fallut du temps pour le trouver. Pendant ce temps, les barricades s’élevaient, et ces hommes commandaient l’insurrection.
  2. Dans la 4e légion, entre autres, forte de douze à quinze mille hommes, on n’en réunit que deux à trois cents. Dans la 11e, il ne vint pas plus d’une vingtaine d’hommes par compagnie de trois cents.