Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/126

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ultra socialiste compte se servir de lui comme d’un instrument facile à briser, le jour où il deviendrait inutile ou rebelle. D’ailleurs, comme on ne peut sérieusement espérer la majorité des suffrages, la candidature de M. Ledru-Rollin a plutôt un sens négatif et de protestation qu’un sens positivement politique ; l’engagement pris avec lui ne tire point à conséquence.

La candidature de M. de Lamartine se ressentira comme celle de M. Ledru-Rollin, quoique par d’autres motifs, de l’impopularité où sont tombés momentanément le Gouvernement provisoire et la commission exécutive. Cependant l’estime qui s’attache à la personne de M. de Lamartine lui assure un grand nombre de voix venues à lui de toutes parts, spontanément, sans intrigue ni mot d’ordre, attirées par son génie. La reconnaissance des républicains pour sa coopération sincère et courageuse à la fondation de la République et pour le respect qu’il a gardé, étant au pouvoir, de toutes nos libertés, dont aucune n’a péri entre ses mains, lui vaudront bien des suffrages indépendans du parti radical tandis que parmi les partisans exclusifs de l’ordre établi il en est plus d’un qui voudra récompenser en lui le défenseur éloquent de la propriété et de la paix.

Si, comme il est à croire, M. de Lamartine, n’arrive pas plus que M. Ledru-Rollin à la majorité, il comptera du moins des votes nombreux et flatteurs ; il passera, pour emprunter ses propres expressions, la revue de cette grande amitié que lui garde, à travers toutes les fluctuations de la popularité, une élite fidèle. Donner sa voix à M. de Lamartine, c’est faire une protestation honorable en faveur de la liberté contenue, du progrès modéré, de la politique généreuse, contre l’arbitraire ou la licence.

Une troisième forme de protestation contre les tendances actuelles du Gouvernement ou contre la présidence quelle qu’elle soit, c’est l’abstention. M. Proudhon et ses partisans se refusent, dit-on, à voter, ne trouvant nulle chose ni nul homme à leur gré dans la société actuelle. Au point de vue philosophique, ces électeurs in partibus sont peut-être plus voisins de la vérité qu’aucun de nous ; mais l’expérience l’a mille fois démontré, les vérités absolues de la philosophie sont les erreurs les plus dangereuses de la politique ; la lo-