Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/136

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la couronne, et dont les infirmités sont si mal cachées sous l’ampleur du royal manteau. Quel aveuglement de supposer que cette hautaine et belliqueuse race slave va se laisser conduire par une main débile, impuissante à tenir le glaive ! Quelle démence de remettre à une camarilla le soin de fonder un empire !

Non ! la fiction des rois qui règnent et ne gouvernent pas est quelque chose de beaucoup trop subtil pour maîtriser la révolution déchaînée en Allemagne. Le sophisme constitutionnel est à tel point dépassé par le mouvement de l’opinion, qu’aucun homme d’Etat, fût-ce un Machiavel, n’en saurait plus espérer le moindre effet ; cette phase du progrès politique a été si totalement méconnue par les princes, qu’il est trop tard pour y pouvoir rentrer.

Un effort suprême à cet égard va être tenté à Francfort ; mais il n’appartient ni à une Assemblée usée déjà par ses fautes innombrables, ni à un archiduc d’Autriche, homme d’excellent cœur, mais de faible capacité, de triompher à la fois de la résistance des masses et de la résistance des individus, du mauvais vouloir des rois et de cette logique fatale de la réformation protestante qui entraîne tout dans un courant irrésistible parce qu’il est parti des hauteurs religieuses ; courant qui ne s’arrêtera plus qu’au protestantisme politique le plus radical, c’est-à-dire à la souveraineté du peuple proclamée sur la ruine des trônes.

En présence de tous ces élémens de la révolution allemande, la politique de la République française était simple. Son honneur et son intérêt, chose rare, se trouvaient d’accord et lui dictaient une attitude réservée, mais sympathique à l’affranchissement des peuples.

Ecrit sous cette inspiration, le manifeste du Gouvernement provisoire avait produit partout, dans les provinces rhénanes en particulier, un excellent effet. L’Allemagne, toujours en défiance de notre esprit de conquête, se sentait rassurée et se félicitait de pouvoir compter sur notre alliance le