Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/18

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la liberté, ces Abeilard de la doctrine, évertuent aujourd’hui comme hier à chercher, entre la démocratie qu’ils ne comprennent pas et la monarchie qui les embarrasse, je ne sais quel terrain vague où puissent se déployer à l’aise leurs vanités triomphantes. Gageons qu’ils méditent à cette heure le menu d’un banquet réformiste. Seulement, cette fois, ce ne seront pas les quasi-radicaux que l’on priera d’y souscrire, mais les quasi-conservateurs, leur promettant d’éluder avec art le toast à la République.

Que vous dirai-je encore ? temps perdu, vanités étalées, faiblesse, intrigue, turbulence sans passion, vacillité qui se contredit à toute heure, tel est jusqu’ici le tableau que présentent les délibérations de l’Assemblée. Le grand souffle de Février n’a pas pénétré cette enceinte. Défiante du pouvoir qu’elle a créé, défiante du Peuple auquel elle doit l’existence, défiante même de cette garde nationale qu’elle caresse, mais dont elle suspecte aujourd’hui la tiédeur, demain le zèle, la Constituante contribue pour sa large part à prolonger le malaise d’un état précaire dont il faut sortir à tout prix.

Une constitution fraîchement démocratique, qui donne au pouvoir l’unité en faisant circuler la liberté au plus épais des masses populaires, voilà ce que le pays demande et ce qu’il faut lui donner sans retard. Avec la liberté et l’unité le reste viendra par surcroît.

Les théories socialistes, comme on les appelle aujourd’hui, librement, incessamment élaborées, discutées, élucidées à la face de tous, favorisées avec discernement et prudence dans leurs applications, épurées peu à peu de ce qu’elles ont de faux et d’irréalisable, complèteront l’œuvre politique de l’Assemblée. Les sectaires perdraient tout en voulant tout hâter ; mais l’Assemblée aussi compromettrait l’avenir si elle ne s’arrachait aux misères de ces querelles intestines où sa force s’épuise, et qui lui aliéneraient, en se prolongeant, l’amour et le respect du Peuple.