Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/43

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renversement de l’ordre ancien, la plupart des hommes politiques de nos jours pensent que ces forces exaspérées, dont nous voyons les effets désastreux, sont incapables d’organisation, et qu’il y aurait démence à tenter de les faire coopérer à un ordre quelconque. Selon ces hommes, des mieux intentionnés, je le veux croire, mais des plus aveugles, il faut à tout prix, pour sauver la société en péril, refouler, réprimer, anéantir s’il se peut, l’activité désorganisatrice d’une énergie funeste.

On a comparé quelquefois l’état actuel de la société à ce moment de l’histoire où l’empire romain, aux prises avec les barbares, luttait, se débattait, se transformait enfin, mais avec des souffrances inouïes, sous l’influence de l’idée chrétienne. Toute analogie est superficielle cependant, aujourd’hui aussi, trois élémens, trois principes hostiles se disputent le monde. La société constituée, fière encore de ses mœurs élégantes et délicates, souriant dédaigneusement et se parant comme une belle femme, épuisée par le plaisir, qui voudrait tromper la mort, nous représente assez bien cette Rome altière dont la vie chancelante s’exhalait en vains mépris, en impuissantes invectives, contre les barbares à ses portes contre les chrétiens dans ses catacombes.

L’élément chrétien et l’élément barbare, c’est à dire l’aspiration idéale, pacifique, et l’énergie brutale, effrénée, existent simultanément aujourd’hui dans ces masses populaires, tour à tour calomniées ou exaltées suivant que l’on considère exclusivement l’une ou l’autre des forces qui les tourmentent. Si l’élément chrétien triomphe, la France est sauvée. Si l’élément barbare l’emporte, l’Europe entière entrera dans une période de calamités dont nul ne peut prévoir ni l’étendue, ni la durée.

Représentans du Peuple, fondateurs de la République, législateurs de la première entre les nations, c’est à vous que la France a commis le soin de résoudre ce terrible problème. Investis de la plus haute mission qui fut jamais donnée à des hommes, l’avenir de la patrie et du monde peut--