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Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/6

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suppose, pouvait prévenir. Une poignée de factieux a surpris le pouvoir ; ou, comme parle un des plus considérés parmi les vôtres, un escamotage a fait passer la machine gouvernementale (j’emprunte le langage du régime déchu) des mains de quelques individus dans les mains de quelques autres. D’où il suit qu’un nouvel escamotage la peut faire tout aussi prestement retourner à ses précédens conducteurs.

Ce n’est pas le cas de s’écrier : Ô sainte simplicité ! mais bien plutôt : Ô sottise perverse ! car les hommes qui parlent et pensent ainsi ne sont aveuglés ni par leur dévoûment à vos personnes royales, ni par le fanatisme d’un dogme poétique, ni par de traditionnels et chevaleresques préjugés que l’histoire explique. Entre les parvenus de 1830 et votre dynastie, on chercherait en vain cette longue communauté de croyances, de périls et de gloire, qui rattachait l’ancienne noblesse de France à la branche aînée des Bourbons. La bourgeoisie, vous ne l’ignorez pas, ne tient à vous par aucun sentiment ; son intérêt seul la guide. Elle avait cru, et ne renoncera jamais à croire, que le progrès qui lui avait donné la puissance et la richesse était le progrès définitif de l’espèce humaine.

Au lendemain de sa défaite, pâle d’étonnement et d’effroi, tremblante pour ses biens à la vue de ce peuple armé qu’elle juge d’après elle-même, la bourgeoise cachait sous une adhésion hypocrite ses colères pusillanimes. Mais aujourd’hui rassurée, voyant qu’elle n’a rien à craindre de ces barbares tant calomniés, tant insultés, elle jette le masque. Au lieu d’assister dignement, en silence, à l’établissement de la République par les républicains, en se réservant, si le pays était trompé dans ses espérances, d’intervenir à l’heure du danger, vos partisans sans respect pour leur passé, viennent disputer le pouvoir à ceux-là même auxquels ils n’auraient dû demander que l’oubli. La commotion électrique qui s’est fait sentir à l’Europe entière, ne les a émus que de peur ; et les voici reparus, aussi infatués, aussi myopes, aussi confians dans les habiletés usées de leur politique subalterne. Et c’est pourquoi ces hommes vous seraient funestes ! Abusant de votre amour pour la France, ils le feraient servir à leurs vulgaires desseins. Vous deviendriez entre leurs mains un instrument innocent, mais bientôt