Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/112

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Et au mesme subjet desguisent leur envie
D’un propos contrefait tout autre que le cueur
Cachent pour t’affiner la cause qui les meine
En la mesme façon que la fine Climenne
Qui du beau Francion disoit mal à sa sœur.
Ton Parfait ne vit plus : Si un’ aise parfaite
Doibt durer à jamais, tout ce que je souhaite
Est de faire revivre un ami trepassé.
Si le secret tranchant de Parfait se presente,
Pense quel plaisir c’est par la chose présente
Te pouvoir faire encor’ revoir le bien passé.
Si ung frère fendant ou ung parent menace,
Laisse les menacer & leur quittant la place,
Sans changer de vouloir change d’un autre lieu.
Mille autre empeschemens essaient de combattre
Les cueurs nez à l’amour, mais qui pourrait abattre
L’entreprise & l’ouvrage & la force d’un Dieu ?
Or le dernier objet qui le plus espouvente
Les cueurs nez à l’amour, c’est quant le sein augmente
Et que les fruits d’amour sont trop gros devenuz.
Jamais un heur parfait n’est sans quelque aventure,
Et telle fut la loy de la sage Nature,
Que par les grands dangers les grans biens sont cogneuz.
Tu as vaincu ses peurs & ses craintes frivolles,
Et n’ont peu les rigueurs ny les douces parolles
Combatre ton courage & forger ton ennuy ;
Mais pourquoy, si jadis pour me donner la vie
Tu as peu surmonter le malheur & l’envie,
Ne te puis tu encor surmonter aujourd’huy ?
O jour plain de malheur, si le goust de mon aise
Mouilla tant seulement les fureurs de ma braise
Pour faire rengreger mes flammes peu à peu :
Jour pour jamais heureux, si d’une tendre nuë
La première rozee à jamais continue