Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/111

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On dit que le temps est medecin de nature
Et de nos passions, mais c’est coup d’aventure,
Car le mesme nous sert plus souvent de poison.
Olimpe, tu sais bien quelles furent les armes
Qui vainquirent ton deuil, tu sais comment tes larmes
Et mon desastre fier finirent en un jour :
Tu sais combien de temps dura ta maladie,
Tu sais que ton deuil fust plus dure que ta vie
Et par là tu congnois la vertu de l’amour.
Que diriez vous de voir un fiebvreux en la couche
Qui clorroit obstiné les levres & la bouche
Contre l’eau qui l’aurait autrefois fait guerir,
Sinon qu’il est saisi d’une aspre frenaisie,
Ou qu’un rouge malheur boult en sa fantaisie
Qui le fait n’aiant soif avoir soif de mourir.
Si les sermons fascheux des autres te travaillent,
Si les peurs des craintifs honteusement t’assaillent,
S’un autre te menace & te donne conseil,
Eh ! ne sais tu pas bien que la fiebvre amoureuse
Ne se congnoist pour voir une face hideuse,
Ou le poux inégal, ou le trouble de l’œil ?
Nous verrons quelquefois jargonner une vieille
Qui lorsqu’elle brusloit en une age pareille
D’un feu pareil au tien ne print en son ennuy
Autre conseil que soy & sa flamme nouvelle ;
Veux tu savoir commant ce conseil là s’appelle ?
Faire large courroie à la perte d’autruy.
Ne te laisse tromper à l’affeté langage
De plus jeune que toy, mais excuse par l’age
Le peu d’experience & le peu de raison.
Ceux là n’ont essaié la geenne qui nous serre :
C’est comme qui oiroit deviser de la guerre
Tel qui n’auroit jamais parti de la maison.
Celles qui en souffrant la mesme maladie