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Des Enfers esgairez & des Champs Elysees
Rien ne regretterait,
Que le mesme regret qu’auroit son ennemie
De la sainte amitié qu’encor aprés la vie
L’esprit emporteroit,
Mais en ne trouvant lieu pour mes larmes non feintes
Dans son cueur endurcy aux viollantes plaintes
D’un miserable amant :
Non plus que l’on verroit engraver quelque trasse
De l’inutille fer pressé dessus la face
D’un ferme diamant.
C’est fait, je veux mourir & qu’un tel sacrifice
Preste ma triste main pour un dernier office
A son cors malheureux,
Dehors duquel l’esprit ira, comme je cuide,
Sur les bors ombrageux du fleuve Acherontide
Soupirer amoureux,
Racontant aux Esprits la severe sentence
Qui fut l’amere fin d’une longue esperance,
D’une dure prison,
De mes maux abregez & l’issue & l’entree,
Qui forca le despit & la main forcenee
Surmonter ma raison.
Frape doncq’, il est temps, ma dextre, que tu face
Flotter mon sang fumeux, bouillonnant par la place
Soubz le cors raidissant.
Haste toy, douce mort, fin d’un amere vie,
Fay’ ce meurtre, l’esprit, ma rage te convie
Aux umbres fremissant.