Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/115

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Qui pour ung autre corps à son cors adversaire
Me laisse exanimé sans vye & sans mourir,
Me faict aux noirs tombeaux aprés elle courir.
Demons qui frequentez des sepulchres la lame,
Aidez moy, dites moy nouvelles de mon ame,
Ou montrez moy les os qu’elle suit adorant
De la morte amytié qui n’est morte en mourant.
Diane, où sont les traitz de ceste belle face ?
Pourquoy mon œil ne voit comme il voyoit ta grace,
Ou pourquoi l’œil de l’ame, & plus vif & plus fort,
Te voit & n’a voulu se mourir en ta mort ?
Elle n’est plus icy, o mon ame aveuglee,
Le corps vola au ciel quant l’ame y est allee :
Mon cueur, mon sang, mes yeux verroient entre les mors,
Son cueur, son sang, ses yeux, si c’estoit là son cors.
Si tu brule à jamais d’une eternelle flamme,
A jamais je seray un corps sans toy, mon ame,
Les tombeaux me verront effrayés de mes cris,
Compagnon amoureux des amoureux espritz.


XX.

Vous qui pillez l’email de ces couleurs,
Friandes mains qui amassés les fraizes,
Que de tormans se quachent soubz vos aizes,
Que de serpans se coullent sur les fleurs !
J’estois plongee en l’ocean d’aimer,
Je me neiois au fleuve Acherontide,
J’espans aux bors ma robe toutte umide
Et sacrifie au grand Dieu de la mer.
Fermés l’oreille aux mortelles douceurs,
Amans, nochers, n’escoutés les Serenes ;
Ma paine fut d’avoir ouy leur paines