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Ce qui est de plus rare en toute la Nature,
Ce qui est de plus beau & plus delicieux,
Ce qui est de plus pur soubz la voute des Cieux
N’est qu’un foible miroir d’une beauté si pure.
Ce qui est soubz le Ciel de plus rare & plus beau
Rende foy & hommage aux beautez que j’adore :
Astres luisans & clairs, soleil plus clair encore,
Cachez vostre lueur, approchez mon flambeau !
Vous n’estes qu’instrumens de ma belle lumiere,
Pour esclairer au monde & en ces plus bas lieux,
Empruntans vostre feu du feu pur de ses yeux,
Prenans vostre vigueur de sa force premiere.
Mais ces rayons divins de ma belle clarté
Sçavent trop bien blesser, messagers de son ire ;
Ces yeux doux & cruels, causes de mon martyre,
Cachent soubz leur douceur trop de severité.
C’est doncque vous, douceurs, qui faictes que j’endure,
Serenes qui pipez par vos douces chansons
Le nocher harassé ravi des moites sons,
Luy vendans son plaisir d’une peine si dure.
Marastres qui couvrez l’aconite de miel,
Monstres qui la douceur changez en vostre rage,
Insatiables mains souillees du carnage
De vos enfans succans soubz le baume le fiel !
Douce, claire & friand’ est l’eau que le malade
Tire à traits regrettez, douce la mortell’ eau
Qui met le sang en fange & le corps au tumbeau
Par l’enflammé venain d’un boutefeu dipsade.
Plus doux est le sommeil qui nous meine à la mort :
Blanc est le lis, le laict, & doux ce qui desguise
Le poison respiré qui dedans nous espuise
L’humeur le plus suptil par son suptil effort.
Beautez à ma beauté en rien accomparables,
Fuyez, vaines douceurs, d’auprez de ma douceur,